Phonorama, le site dédié aux phonographes à cylindres

Phonorama, le site dédié aux phonographes à cylindres
Des créateurs français innovants [Page 1/2]


 

De prime abord, ce phonographe s'apparente à un tinfoil, son diaphragme en laiton portant trois vis à tête moletée rappelant celui d'un modèle sorti des ateliers de Fondain ou de Ducretet. Il dispose toutefois d'un mandrin entrainé par un mouvement d'horlogerie et une vis mère assurant le déplacement latéral du diaphragme, des éléments  évoquant plutôt un phonographe à cylindres de cire.
Quel est son fonctionnement ? Qui en est le créateur ? A quelle date a-t-il été construit ? Autant de questions dont les réponses argumentées sont à établir.


Un chariot articulé coulissant sur deux barres horizontales situées de part et d'autre du mandrin supporte le diaphragme. Située au-dessus de la demi-noix reposant sur la vis-mère, une pièce amovible en forme de croissant joue le rôle de contrepoids. Sur le diaphragme, les initiales A.D. et la mention ''Déposé'' font référence à la marque de fabrique de son créateur.
Vu de dessous, le diaphragme montre une fine plaque vibrante en métal, similaire à celle des premiers  téléphones. La pointe en fer est remarquable par sa structure particulière, comme nous pouvons le voir sur ce schéma. Les trois vis micrométriques situées sur la partie supérieure du diaphragme permettent d'ajuster la position de la pointe au-dessus de l'enregistrement.
Le numéro 4 frappé sur le laiton laisse supposer une fabrication en petite série.


Un manchon amovible en laiton s'adapte parfaitement sur le mandrin du phonographe, les deux sont rigoureusement cylindriques et de diamètres légèrement différents. Sur le tube, on remarque une encoche destinée à s'engager sur un ergot affleurant à la surface du mandrin, ce dispositif permettant d'assurer l'assemblage des deux pièces.
Découvert, le mouvement d'horlogerie à ressort, avec son régulateur à ailettes et sa clé présente des similitudes avec celui des phonographes construits par Henri Lioret à partir de 1895.
 

Les spécificités de ce phonographe soulèvent de multiples questions auxquelles la page "Observations sur un phonographe portant la marque A.D." tente d'apporter des éléments de réponse.
Ces observations conduisent à  supposer que ce phonographe utilisait des phonogrammes en cire précédemment enregistrés sur un autre appareil. Deux hypothèse très voisines sur la constitution de ces  phonogrammes sont envisagées : dans la première, le manchon en laiton était revêtu d'une couche de cire; dans la seconde, un tube en papier enduit de cire était collé sur cette pièce. 
Attribué à Alphonse Darras, ce phonographe a vraisemblablement été construit peu après 1887.

 


L'horloger qui a construit ce phonographe s'est inspiré des premiers Graphophones. La base porte le monogramme PB et la date de 1888. Le mécanisme est entraîné par un moteur extérieur, un mandrin fixé entre deux pointes reçoit le petit cylindre en cire de 38 mm de diamètre.
 

 
 


Michel Werner a conçu ce phonographe simplifié,  dont le brevet n° 247.854 a été déposé le 1° juin 1895. Sa construction a été confiée à l'Ingénieur-constructeur Alphonse Darras. Moins couteux que les phonographes Edison, cet appareil à entrainement manuel possède un mandrin mobile et un reproducteur fixe.

La notice du phonographe de Darras est à consulter ici.
 

 

Vue arrière du phonographe de Werner faisant apparaitre le système d'entrainement par une manivelle, le tiroir à accessoires et la rampe permettant de connecter 5  tubes acoustiques munis d'écoutoirs auriculaires.

 
 

 

Cet imposant phonographe pour cylindres Stentor est Le Géant, créé pour l'Exposition Universelle et annoncé dans l'Annuaire du commerce Didot-Bottin de 1900. Construit par Louis Lamazière, Le Géant s'inspire de toute évidence de l'Edison Concert, il dispose toutefois d'un moteur très original qui ne doit rien à ses concurrents. Il est équipé du reproducteur pour Graphophone et du pavillon rouge en métal strié et aluminium caractéristiques de la production de Gianni Bettini.
 

 

Le reproducteur et le pavillon Bettini identiques à ceux du phonographe automatique à 12 cylindres de Louis Lamazière (Brevet n° 284.784 du 10 janvier 1899) sont fixés sur un téton fendu.
Il est possible de substituer à cet ensemble un reproducteur Phénix et un pavillon en aluminium. A cet effet, un accessoire se fixant sur le téton permet d'utiliser un tube portant d'un côté la tête et de l'autre, le pavillon. C'est ainsi qu'Henri Lioret avait équipé ce même phonographe qu'il nommait L'Eclatant.


 

Le puissant moteur se distingue des autres productions par sa structure en deux parties : les ressorts se situent à droite, les engrenages à gauche. Entre les deux, deux disques de laiton non solidaires entre eux, assurent la transmission du mouvement de rotation. On note aussi que le régulateur est disposé verticalement. Grâce à ces dispositifs Le Géant est probablement le plus silencieux des appareils à cylindres.

 

 


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A voir aussi
  • Michel et Eugène Werner, journalistes Austro-Hongrois immigrés à Paris furent des hommes d'affaires avisés et des inventeurs prolifiques. Après 1893, les deux frères déposent des brevets concernant successivement des machines à écrire, des phonographes, des appareils cinématographiques  puis des engins motorisés (on leur doit l'invention de  la Motocyclette).
    Dans le domaine du phonographe, ils ont  distribué les premiers appareils d'Edison et commercialisé de nombreux modèles, notamment le phonographe simplifié construit par Alphonse Darras. En 1899, les ventes déclinent, ils vont se consacrer à la production de véhicules et c'est leur principal concurrent, Pathé Frères, qui va les remplacer dans le magasin du 85, rue de Richelieu, qu'ils occupaient depuis 1894.

Michel Werner

  • Diplomé de l’Ecole d’Horlogerie de Paris en 1892, Louis Lamazière y a cotoyé Henri Lioret, lui même ancien élève de l’Ecole d’Horlogerie de Besançon. Parallèlement a ses activités d’horloger, Henri Lioret exerçait en effet la fonction d’Inspecteur de l’enseignement pratique au sein de l’école parisienne. Par la suite, les routes professionnelles des deux horlogers allaient se croiser, tous deux ayant entrepris de construire des phonographes.
    L'Ingénieur Louis Lamazière a déposé plusieurs brevets (dont celui d'un appareil automatique à 6 cylindres équipé d'un diaphragme Sytème Bettini) et des marques sur le phonographe (Le Phénix, Paris-Concert et le Phono-français), il est aussi connu comme constructeur de cinématographes.
    Son annonce dans l'Annuaire du Commerce Didot-Bottin mentionne alors : Manufacture générale de phonographes et accessoires / Plusieurs modèles pour petits et gros cylindres / Moules alésoirs et raboteuses pour la fabrication des cylindres / Machines à reproduire les cylindres.
    Jusqu'en 1905, il va construire des phonographes de qualité dans ses ateliers du Kremlin-Bicêtre et dans son usine de Blesdal (St Aubin Le Cauf, commune de Saint-Nicolas-d’Alliermont, près de Dieppe), notamment les phonographes de Bettini,  les modèles Phénix, Musica et Excelsior pour Georges Maleville et l'Idéal pour Paul Féron-Vrau (la Maison de la Bonne Presse).
    Lamazière fabriquera aussi des cylindres  moulés aux formats Standard et Phénix (diamètre exterieur de 85 mm).  Son catalogue comporte plus de 300 titres de ''cylindres artistiques enregistrés par un procédé nouveau''.
    Dans Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration de 1900 et 1902, Louis Lamazière se targue d'avoir vendu 10 000 phonographes et construit 6 modèles différents. C'est dire, même si ce nombre peut paraître exagéré, qu'il est alors l'un des principaux fabricants de phonographes, après la
    Compagnie Générale de Phonographes Cinématographes et Appareils de Précision.
 
  • En 1895, le docteur Paul Constant Amans, professeur à l’Université de Montpellier, conçoit et construit  un phonographe remarquable qui fera l’objet d'un brevet et de plusieurs publications dans les revues scientifiques. L’originalité de l’invention tient essentiellement à son burin phonographique  dont la forme spécifique permet l'enregistrement sans déformation sensible du timbre. A la reproduction, les voix sont plus naturelles que celles qu'enregistrent  le autres phonographes.
    Le livret publié en 1897 par le professeur en vue de la commercialisation de son invention en donne une description détaillée. On y découvre notamment que le phonographe est doté
    d’un mécanisme à poids et d’un régulateur de vitesse à plumes.
    En 1900, le docteur Amans fit une communication sur la fabrication de pâtes phonographiques devant l'Association Française pour l'Avancement des Sciences. Dans un article très argumenté, intitulé Sur le nouvel inscripteur d’Edison, paru  dans
    Bulletin mensuel de l’Académie des sciences et lettres de Montpellier en 1913, il soulignait les avantages de son propre burin par rapport aux productions américaines.