Phonorama, le site dédié aux phonographes à cylindres

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Phonographes à feuille d’étain [Page 1/4]

 

Ce phonographe Edison à feuille d'étain est le premier tinfoil vendu en France. Il a été construit par Edouard Hardy, sur la base des spécifications fournies par l'intermédiaire de Théodore Puskas en mars 1878. Concessionnaire en Europe des brevets de Thomas Edison pour le téléphone et le phonographe, Théodore Puskas assurait la promotion du phonographe en Europe.

 
 
 

Vue de l'enregistreur-reproducteur Hardy, avec son cornet en bois d'amarante et sa pointe en fer s'appuyant sur le diaphragme constitué par une plaque vibrante en acier.
Le phonographe fût commercialisé lors de l'Exposition Universelle de Paris de 1878 au prix de 200 Francs, soit 40 dollars.

  
 
 

Outre le numéro de série du phonographe, la plaque fixée sur sa base rappelle le nom de l'inventeur et celui du constructeur parisien Edouard Hardy.

 
 


En 1878, après les premières démonstrations du phonographe, les principaux constructeurs n'ont pas tardé à imaginer des perfectionnements à l'invention d'Edison. Le principal a consisté à le doter d'un moteur à ressort ou d'un mouvement d'horlogerie  visant à obtenir un entrainement plus régulier du mandrin. C'est ainsi que Hardy, Fondain, ou la London Stereoscopic Company ont construit de grands phonographes entrainés par un mécanisme à poids.
En Allemagne, dès le mois d'aout 1878, les ingénieurs Otto Glaue et Berthold Spensky ont conçu cet imposant tinfoil à poids qu'ils vont présenter à l'Exposition industrielle de Berlin en janvier 1879.
L'appareil porte la marque de la maison Secrétan, l’un des principaux constructeurs parisiens d'instruments scientifiques du 19ème siècle, marquée au fer chaud sur le bois.


Le cylindre du phonographe de Glaue et Pensky possède un cylindre de 21 cm de long et de 11 cm de diamètre, le reproducteur comporte un diaphragme en mica de 10 cm de diamètre.
Un poids principal de 8 kg en laiton actionne le mouvement, un petit contrepoids assure la tension de la cordelette qui les supporte. Un régulateur de Foucault à ailettes centrifuges contrôle la vitesse de rotation du cylindre. Pour ramener le mandrin en position initiale, on utilise une manivelle placée sur son axe, une seconde, plus petite, permet de remonter le poids.
Les inventeurs allemands ont également conçu un modèle plus simple, à l'image du tinfoil manuel à volant d'inertie conservé dans les collections de l'Université de Strasbourg.


Ce tinfoil singulier, sans marque, présente les caractéristiques propres des phonographes européens conçus vers 1880. La qualité de sa réalisation et des matériaux utilisés, laissent supposer qu'il a été construit dans un atelier de mécanique de précision, selon les plans d'un scientifique.
La construction est particulièrement soignée, comme en témoignent le dispositif de serrage de tension de la membrane en acier, ou celui de l'ajustement de la distance entre la pointe et la feuille d'étain, plus élaborés que ceux des premiers tinfoils antérieurs.

 

Le poids du phonographe, supérieur à 10 Kg, résulte du lourd mandrin de 13 cm de diamètre et de 5 cm de largeur et du grand volant d'inertie de 17 cm de diamètre. La structure et le volant sont en maillechort, un alliage de cuivre, de nickel et de zinc qui leur donne un aspect argenté, les deux faces du mandrin en fer sont de couleur cuivre rouge.
La vue de dessus révèle des lignes épurées et une base singulière en forme de losange qui dénotent une certaine recherche esthétique dans sa structure. Son modernisme s'oppose aux formes classiques des phonographes de la même période.

 
 


La marque G. Lorenz est inscrite sur le bâti de ce très grand tinfoil (1883). Ce constructeur d'appareils scientifiques était établi à Chemnitz (autrefois Karl-Marx-Stadt dans l'ancienne République démocratique allemande).
 


 


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A voir aussi
  • Les phonographes construits par Hardy

 
 

    Le phonographe présenté à l'Exposition Universelle ouverte le 1° mai 1878, de plus petites dimensions que le modèle dit "Brady" présenté à l'Académie des Sciences le 11 mars, fût le premier tinfoil vendu au public. Sa construction a été confiée à Edouard Hardy par Théodore Puskas, l'agent d'Edison en Europe, qui lui procura un modèle de démonstration dû à Sigmund Bergmann.
     En moins de deux mois, l'ingénieur français parvint à construire un phonographe de meilleure facture que le modèle américain. Il lui apporta en outre deux perfectionnements : un cornet en bois pour concentrer le son au milieu du diaphragme et un dispositif visant a positionner avec précision la pointe sur la rainure du mandrin.
     L'atelier Hardy a produit en petites séries moins de 500 exemplaires de ce phonographe de démonstration, destiné aux amateurs ou aux cabinets de physique; durant l'Exposition il était proposé au prix de 200 Francs pièce.

Publicité Hardy (Le Figaro du 31 décembre 1879)

   L'ingénieur a de plus construit un phonographe à mouvement d'horlogerie entièrement en laiton, actionné par la chute d'un poids et muni d'un régulateur à ailettes. Son utilisation est facilitée par une manivelle située sur le côté du mécanisme; grâce à cet accessoire, il est possible de ramener le poids et  le mandrin à leurs positions initiales en une seule opération. Afin de rapprocher au mieux la pointe sur la feuille d'étain, le support de la tête se déplace horizontalement sur un rail.
    Le premier phonographe d'Edison présentait il est vrai des défauts susceptibles de freiner sa vulgarisation. Selon ses détracteurs, il parlait "d'une voix de Polichinelle essoufflé" et son maniement était délicat; il devenait nécessaire de le perfectionner.  Edouard Hardy l'a sensiblement amélioré avec le nouveau mécanisme à poids assurant un mouvement uniforme; les paroles répétées telles qu'elles avaient été enregistrées et la tonalité mieux respectée constituaient un réel progrès.
    Dès le 27 mai 1878, le journaliste Pierre Giffard, directeur des Auditions du phonographe, adoptait ce phonographe qui fit le succès de son spectacle du boulevard des Capucines.

 

 

   Le catalogue d'appareils électriques de Charles Magne (vers 1882) décline trois phonographes à mouvement d'horlogerie, dont le prix diffère selon la qualité et la taille : 1800 Francs pour le modèle de base, 3000 pour le modèle plus soigné et 4500 pour le grand modèle.  En 1885, au 6, Avenue de La Motte-Picquet, la maison parisienne de l'électricien Ferdinand Duplay, successeur d'Edouard Hardy, vendait toujours le phonographe Hardy à mouvement d'horlogerie de construction très soignée.

    Un exemplaire de ce grand tinfoil de précision est conservé dans les collections du Musée des Arts et Métiers où il est entré en 1881.
   
Rappelons qu'en 1879, Edouard Hardy a aussi construit un phonographe à plateau horizontal conçu par Gustave Gamard, jeune ingénieur de l’Association Philotechnique. Cet appareil a été décrit par le comte Du Moncel (Le Téléphone, le Radiophone et le Phonographe. Paris, 1882).

Les gravures ci-dessus montrent le phonographe de démonstration (Catalogue Charles Magne, vers 1882), le phonographe à mouvement d'horlogerie (Musée des Arts et Métiers) et une coupe du support de son diaphragme réglable.

  • Le phonographe de Hardy : capricieux, quinteux et mal embouché ?

    Pierre Giffard, directeur des Théâtre du phonographes poursuivait en novembre 1878 les exhibitions dans la Salle Cellarius neveu ou au Théâtre de l'Ambigu, assisté par son fidèle collaborateur,  M. Maurel, chargé des conférences.
Dans sa parution du 12 février 1880, Le droit, journal des tribunaux, publiait un compte-rendu d'audience, dont voici des extraits :

M. Maurel avait commandé à M. Hardy un phonographe des plus raffinés. Un simple mouvement d’horlogerie habilement adapté mettait la machine en belle humeur. On presse un bouton et les paroles ruissellent. Plus de manivelle, plus de manœuvres longues et fatigantes; plus de ressemblance compromettante avec le moulin à café et l’orgue de Barbarie !
…. le phonographe, contrairement à ses habitudes, refuse le service. Il est capricieux, quinteux, mal embouché. Tantôt il bredouille, et tantôt il s’arrête au milieu de ses phrases; il est incohérent et M. Maurel en a conçu une vive irritation contre son fournisseur.
Me Millot, avoué de M. Maurel, est venu devant le président soutenir qu’il manquait au mouvement d’horlogerie un cylindre indispensable; il demanda la nomination d’un expert.
Me Laden, au nom de M. Hardy, a prétendu que la machine était construite conformément aux règles de l’art, et munie de toutes ses pièces.

Il est regrettable que le journal n'ait pas publié l'issue de la plainte.