Phonorama, le site dédié aux phonographes à cylindres

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Phonographes à feuille d'étain [Page 4/4]


 

De prime abord, ce phonographe s'apparente à un tinfoil, son diaphragme en laiton portant trois vis à tête moletée rappelant celui d'un modèle sorti des ateliers de Fondain ou de Ducretet. Il dispose toutefois d'un mandrin entrainé par un mouvement d'horlogerie et une vis mère assurant le déplacement latéral du diaphragme, des éléments  évoquant plutôt un phonographe à cylindres de cire.
Quel est son fonctionnement ? Qui en est le créateur ? A quelle date a-t-il été construit ? Autant de questions dont les réponses argumentées sont à établir.


Un chariot articulé coulissant sur deux barres horizontales situées de part et d'autre du mandrin supporte le diaphragme. Située au-dessus de la demi-noix reposant sur la vis-mère, une pièce amovible en forme de croissant joue le rôle de contrepoids. Sur le diaphragme, les initiales A.D. et la mention ''Déposé'' font référence à la marque de fabrique de son créateur.
Vu de dessous, le diaphragme montre une fine plaque vibrante en métal, similaire à celle des premiers  téléphones. La pointe en fer est remarquable par sa structure particulière, comme nous pouvons le voir sur ce schéma. Les trois vis micrométriques situées sur la partie supérieure du diaphragme permettent d'ajuster la position de la pointe au-dessus de l'enregistrement.
Le numéro 4 frappé sur le laiton laisse supposer une fabrication en petite série.


Un tube en laiton amovible s'adapte parfaitement sur le mandrin du phonographe, les deux sont rigoureusement cylindriques et de diamètres légèrement différents. Sur le tube, on remarque une encoche destinée à s'engager sur un ergot affleurant à la surface du mandrin, ce dispositif permettant d'assurer l'assemblage des deux pièces.
Découvert, le mouvement d'horlogerie à ressort, avec son régulateur à ailettes et sa clé présente des similitudes avec celui des phonographes construits par Henri Lioret à partir de 1895.
 

Les spécificités de ce phonographe soulèvent de multiples questions auxquelles cette page intitulée "Observations sur un phonographe portant la marque A.D." tente d'apporter des éléments de réponse.
Ces observations conduisent à  avancer une hypothèse : il s'agit vraisemblablement d'un phonographe à feuille d'étain, attribué à Alphonse Darras et construit entre 1882 et 1887.


Ce petit phonographe à feuille d'étain de la période 1880-1882 dispose d'un mandrin en laiton, d'un cornet en bois fruitier et d'une base en fonte peinte en noir ornée de filets dorés. Sur d'autres exemplaires similaires, les filets sont rouges.
Sur le mandrin, une fente taillée parallèlement à l'axe afin de recevoir les extrémités de la feuille d'étain. Une fois enroulée et plaquée, cette dernière sera maintenue grâce à une fine baguette de bois insérée dans la fente.
Sans qu'il soit possible à ce jour de déterminer le rôle de chacun,  il y a tout lieu de penser que le constructeur de ce petit tinfoil est l'un des deux ingénieurs Achille Loiseau ou Léonce de Combettes (voir ci-après). Il faut pour s'en convaincre se reporter au témoignage de Théodose Du Moncel, ardent défenseur du phonographe lors de son introduction en France. Dans Le Microphone , le radiophone et le phonographe, paru en 1882, le comte fait en effet état de phonographes de petites dimensions vendus bon marché (20 francs) par MM. Loiseau et de Combettes.


Peu après la présentation du premier phonographe de Thomas Edison en 1878, à l'image du Scientific American aux Etats Unis ou de La Nature en France, les revues de vulgarisation scientifique publiaient des gravures et des plans détaillés de l'invention. La possibilité de construire leur propre phonographe s'offrait alors  aux lecteurs férus de nouveautés et habiles de leurs mains.
Ce tinfoil est un exemple de ce type de réalisation par un amateur qui l'a construit en grande partie en bois exotique, à l'exception du mandrin en laiton et de son axe en fer. Le phonographe se caractérise par un cornet surdimensionné, le diamètre du diaphragme mesurant 8 cm. A l'aide d'un rail sur lequel il coulisse, le support du cornet permet d'ajuster la distance entre la pointe et la feuille d'étain.
Le constructeur a doté le diaphragme d'un perfectionnement original visant à améliorer sa sonorité : le diaphragme constitué d'une fine plaque de fer est progressivement tendu lorsque le cornet est vissé sur son support, grâce à une bague intermédiaire. Un dispositif similaire sera adopté plus tard par Bettini dans ses reproducteurs.



Construit en laiton sur une  base en acajou, ce tinfoil de petite taille est d'origine britannique. Son mandrin de 10 cm de diamètre présente une fente longitudinale, dans laquelle s'insère une fine baguette de bois permettant de fixer la feuille d'étain.
Ses caractéristiques de fabrication et l'absence de marque ou de numéro de série indiquent une construction tardive en faible nombre. Le phonographe était vraisemblablement destiné à un usage didactique pour une école disposant d'un laboratoire de physique.
 



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A voir aussi

 

Avant l'invention du phonographe, les ingénieurs Camille Loiseau et Léonce de Combettes s'étaient particulièrement engagés dans la construction de jouets électriques et de matériels pour la vulgarisation  scientifique dans les écoles et dans les familles. Leur expérience dans ce domaine, ainsi que leur participation à des expositions entre 1878 et 1881 les ont naturellement conduits a s'intéresser à cette découverte; ils vont proposer un petit phonographe adapté aux besoins des enfants.

  • Achille Loiseau, opticien et fabricant d'appareils scientifiques, fut le premier premier à appliquer la télégraphie aux jouets en 1863. Il se spécialisa dans la construction de jouets électriques, scientifiques et instructifs. Dans son catalogue de 1870, figurent de petits télégraphes, bobines de Rhumkorff, tubes de Geissler ou des moteurs électriques bon marché, destinés à donner aux enfants le désir d'approfondir la science.
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  • Léonce de Combettes
 
 

Ingénieur civil originaire de Lyon, il a déposé de nombreux brevets, pour la plupart relatifs à la télégraphie. Sa société créée en 1877 commercialisera, comme celle de son collègue Achille Loiseau, des appareils scientifiques appliqués à l'enseignement.
On doit à Léonce de Combettes une montre solaire perpétuelle et un énigmatique Adophone, un cahier chantant dont les pages constituées de feuilles d'étain et de papier intercalées, faisaient entendre des sons musicaux.

 
 

En janvier 1878, il présenta cette invention au Musée Polyphonique où la Société des Inventeurs expérimentait chaque jour ''les instruments et appareils se rapportant, de près ou de loin, au microphone, au téléphone et au phonographe''.